Le 20 novembre 2015, à Bamako, Le groupe terroriste El-Mourabitoune dirigé par Mokhtar Belmokhtar attaquait et opérait une prise d’otages à l’hôtel Radisson. Le 15 janvier 2016, à Ouagadougou, il frappait en collaboration avec Aqmi l’hôtel Splendid et le restaurant Capuccino. Malgré les dispositifs de prévision, précaution et protection, ce 13 Mars, la cité balnéaire de Grand Bassam est attaquée à son tour.
Que savons-nous du terrorisme ? Comment naissent les mouvements terroristes ? Quelles sont leurs ramifications en Afrique de l’ouest?
DES ORIGINES A NOS JOURS
De l’an VI au Xème siècle (avec les zélotes et les Haschichins), c’était plus une affaire d’imposer les lois divines, de tuer pour amener à adorer son Dieu. Le XIXème siècle en France sera marqué par des attentats qui feront des hommes politiques leurs cibles:Napoléon Bonaparte (24 décembre 1800), Louis Philippe (Juillet 1835), Napoléon III (1858). Il en sera de même pour la Russie avec l’assassinat du Tsar Alexandre II en 1881.
Après la guerre des 6 jours entre Israël et le monde arabe, il y aura la célèbre prise d’otage d’un avion en 1968; attaque coordonnée par le FPLP. En 1972, à Munich, l’on verra également la prise en otage des sportifs Juifs. Au début des années 90, la Cosa Nostra et la Camora vont décimer une bonne partie du personnel exécutif et judiciaire en Italie… Il faudra ajouter divers mouvements dont le Sentier Lumineux, les FARC, IRA, ETA, les loups et autres opérateurs solitaires, Daech, Al Qaeda (11 septembre 2001)…
LEURS MOTIVATIONS
Sous la plume de Massinissa Mansour[1] on peut lire :« le groupe terroriste El-Mourabitoune dirigé par Mokhtar Belmokhtar, est en quête d’un mouvement fédérateur, une sorte de ligue des groupes terroristes dont il serait le guide.« . Que faut-il y comprendre?
Les différentes tendances devraient se livrer une certaine guerre en termes d’attentats les uns plus meurtriers que les autres en vue de s’imposer et surtout de contrôler tout le business de la zone sahélienne. « 3,5 milliards de dollars, c’est ce qu’ont rapporté les trafics de drogue, d’armes et de tabac dans le Sahel entre 2013 et 2014, d’après l’ONUDC, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime« . De manière générale, leurs motivations semblent de 3 ordres : créer le Califat mondial pour instaurer la charia, s’en prendre aux intérêts occidentaux et faire parler d’eux de façon permanente.Les couvertures médiatiques leur permettent de donner de l’ampleur à leurs attaques, d’instaurer un climat de terreur au sein des populations et les aident à exister, du moins dans l’imaginaire collectif.
LES RAMIFICATIONS
AL QAEDA AU MAGHREB ISLAMIQUE (AQMI) est l’appellation actuelle du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) né en Algérie en 1998, groupe issu d’une dissidence du Groupe islamique armé (Gia). L’objectif d’alors de ce groupe était l’installation d’un Etat islamique en Algérie. Si les racines d’Aqmi se trouvent en Algérie, sa zone d’opération actuelle comprend le Sahel dans ses zones mauritanienne, malienne et nigérienne. Il est également présent en Tunisie et en Libye. Le groupe est formellement rattaché à Al Qaeda.
LE MOUVEMENT POUR L’UNICITE DU JIHAD EN AFRIQUE DE L’OUEST (MUJAO) DEVENU AL MOURABITOUNE. Né des flancs d’Aqmi en décembre 2011, le Mujao était dirigé á l’origine par un Mauritanien du nom de Hamada Ould Mohammed Kheirou et se donne pour mission d’instaurer et de propager un islam salafiste basé sur la charia dans toute l’Afrique de l’Ouest. L’un de ses faits d’armes majeurs reste l’occupation (avec d’autres groupuscules) du Nord Mali et de Gao en particulier en 2012. En 2013, les «Signataires par le sang», une aile dissidente d’Aqmi amenée par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, responsable des attentats du site gazier d’In Amenas en Algérie, intègre le groupe qui devient Al Mourabitoune (Les Almoravides). L’objectif déclaré est de «réaliser l’unité des musulmans du Nil à l’Atlantique» afin d’y appliquer la charia, d’instaurer un califat.
ANSAR DINE. Après avoir vainement tenté de prendre le contrôle du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), un mouvement rebelle séculier dont le but est d’avoir le contrôle exclusif du nord Mali, Yhad Ag Ghali fonde Ansar dine en mars 2012. Les deux mouvements étaient côte à côte lors de la déroute des forces gouvernementales maliennes au nord Mali en 2002, mais avec des objectifs différents. Pendant que le Mnla cherchait à se tailler un territoire autonome sous son contrôle, Ansar dine se préoccupait d’imposer la charia ; d’où la confrontation entre les deux groupes qui aboutit à la victoire de ce dernier avec le contrôle des principales villes du Nord Mali dont Tombouctou et Kidal en janvier 2013.
LE FRONT DE LIBERATION DU MACINA (FLM). Le Flm, un autre groupe issu du Mujao/Al Mourabitoune, est actif dans le centre du Mali. Il est dirigé par un marabout prêcheur du nom de HamadounKouffa et est majoritairement composé de Peulhs. L’objectif déclaré est le rétablissement de l’Empire du Macina et en même temps, la propagation du Salafisme au sud du Mali. Le groupe se fait connaître en 2015 par l’attaque de Nampala le 5 janvier et celle de Tenenkou le 16 janvier.
BOKO HARAM OU ETAT ISLAMIQUE EN AFRIQUE DE L’OUEST. Fondé en 2002 par Mohamed Yusuf à Maiduguri au nord Nigeria, Bokoharam est un mouvement d’obédience salafiste djihadiste en quête à la fois d’un califat et d’une application intégrale de la charia. Après avoir revendiqué une affiliation aux talibans afghans et à Al-Qaïda, le groupe prête allégeance à Daesh en mars 2015 et devient Etat islamique en l’Afrique de l’Ouest. Il essaie d’occuper l’ancien empire de Kanem-Bornou (Nigeria, Niger, Tchad, Cameroun) et majoritairement peuplé de Kanuri. Auteur du rapt le plus important a lieu le 14 avril 2014 à Chibok, où 276 lycéennes âgées de 12 à 17 ans sont capturées lors d’un raid sur la ville
Néanmoins, la ligne dure épousée par AbubakarShekau, s’en prenant aussi aux populations civiles, a conduit à quelques dissidences et à la constitution du groupe concurrent ANSARU en janvier 2012. Si des tensions ont été observées entre les deux groupes, ils semblent à présent coopérer, du moins ponctuellement.
Affiliations déclarées ou induites. A l’exception de Bokoharam, on se trouve en présence de groupuscules presque tous issus d’un moule originel (en l’occurrence Aqmi) né en Algérie avec à l’époque des objectifs limités à l’Algérie. Au fil du temps, des intérêts et ingérences de pays de la sous-région et de grandes puissances, on en est arrivé à une situation de composition-recomposition de ces groupes avec des objectifs qui se chevauchent et/ou s’excluent, faisant du nord Mali un lieu d’incubation et d’épanouissement du djihadisme, qu’il soit d’obédience Daesh ou Al Qaeda. Si BokoHaram a été créé depuis 2002, il faut reconnaitre que la chute du Guide libyen a amplifié le règne de ces seigneurs de la barbarie.
POURQUOI PROSPÈRENT-ILS SI AISÉMENT EN AFRIQUE ?
Plusieurs facteurs favorables expliquent la présence de divers groupes terroristes en Afrique. Le premier facteur est celui géographique. La bande sahélo saharienne du fait de son immensité a constitué un lieu d’implantation pour ces groupes
Dans certaines situations, ils ont pris le relais de l’Etat dans la fourniture de services sociaux de bases aux populations locales.Sur le plan de la gouvernance politique, certaines populations semblent être « déconnectées » du pouvoir central. Un profond sentiment d’abandon anime ces populations qui estiment que les élites sont loin de leurs préoccupations quotidiennes. BokoHaram en a profité.
Des faits de corruption : Le maréchal AdesolaAmosun a été arrêté le 27 janvier 2016 afin d’être entendu dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds destinés à la lutte contre BokoHaram.
Dans un article publié par Jeuneafrique[2] le 07 mai 2015, Achille Mbembé souligne: « ces jeunes n’ont rien à perdre. Ils ont le choix entre l’émigration et la guerre, qui offre, elle aussi, une mobilité sociale. Il n’y a pas si longtemps, ils pouvaient aller en Libye, dans les pays du Golfe ou en Europe. Mais les possibilités d’émigrer s’amenuisant, il ne leur reste plus qu’à se faire enrôler sur les marchés régionaux de la violence. La foi ne joue ici qu’un rôle assez mineur. Ce choix est avant tout pragmatique, dénué de tout sentimentalisme. Faire la guerre est devenu un boulot comme un autre, l’un des mécanismes de la mobilité sociale. »
Kofi Annan avertit de l’arrivée de 11 millions de jeunes par an la prochaine décennie sur le marché de l’emploi selon une étude de la Banque mondiale. Quelle employabilité pour ces jeunes ? Quelles opportunités offre le marché africain ? Comment transformer nos taux de croissance en développement inclusif ? N’oublions pas qu’une certaine partie de ce taux de croissance sera consacrée à la lutte contre la nébuleuse…
Le spécialiste français en crime organisé et en sécurité publique Jean-Charles Antoine relève qu’en « 2009 la Banque Mondiale établissait que sur l’ensemble des jeunes décidés à rejoindre des milices ou des mouvements rebelles sur tout le continent, 40 % le faisaient par manque de travail et en raison de la dureté de la vie de chômeur. Combattre dans un mouvement rebelle donne donc l’illusion d’une ascension sociale
L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime à 3,5 milliards de dollars le montant des trafics de drogue, d’armes et de tabac dans le Sahel entre 2013 et 2014. Daechpèserait 2 200 milliards de dollars selon une étude récente du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) et constitue la « première puissance » du terrorisme mondial.
Si BokoHaram a été créé depuis 2002, il faut reconnaitre que la chute du Guide libyen a amplifié le règne de ces seigneurs de la barbarie.
QUELQUES SOLUTIONS
Le G5 sahel (le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad), créée en décembre 2014 à Nouakchott sous l’impulsion du président Mauritanien Aziz est un mécanisme ayant pour objectif de coordonner les politiques de développement et de sécurité des pays de ce cercle. Un Comité d’Etat-major Opérationnel Conjoint (CEMOC) entre les pays du champ regroupant (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) et un centre de renseignement contre le terrorisme dans le sahel (unité de fusion et de liaison), ont vu le jour en 2010. Ces structures sont chargées de collecter et d’échanger des informations sur les groupes terroristes qui présentent un risque pour leur espace.
La RSS amorcée en 2009 a permis à la Mauritanie d’être plus efficace dans sa lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui, la sécurité du territoire mauritanien est beaucoup mieux assurée. Son armée a mené des attaques contre des bases d’Aqmi dans le nord du Mali. Cette offensive lui a permis à plusieurs reprises, d’anticiper et de déjouer des attaques terroristes, qui la visaient.
L’Opération Barkhane
Le Groupe d’Action Financière (GAFI) est un organisme inter-gouvernemental indépendant qui élabore et promeut des politiques pour protéger le système financier mondial contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et de la prolifération des armes de destruction massive
Le Groupe Intergouvernemental d’Action Contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) a été crée par la Conférence des Chef d’Etat et de Gouvernements de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 2000. Le GIABA est une institution spécialisée de la CEDEAO, chargé du renforcement des capacités des Etats membres pour la prévention, et la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans la region.
Centre de surveillance par satellite (SSC), la Zone de mouillage sécurisé (SAA), OMI (Organisation maritime internationale), du programme de Capacité régionale de connaissance de la situation maritime (RMAC) soutenu par les États-Unis et le Royaume- Uni. le Centre de partage de l’information sur le commerce maritime pour le golfe de Guinée (MTISC-GOG).
Nous avons vu que la pauvreté rend la jeunesse vulnérable aux recrutements terroristes. La chute des cours de nos matières premières, les changements climatiques, un système éducatif qui ne répond pas aux enjeux stratégiques de notre époque, les services sociaux de base inaccessibles n’aideront-ils pas Aqmi, BokoHaram, Daech, BokoHaram et Shebab à faire du continent africain épicentre du terrorisme mondial ?
[1]http://www.algerie-focus.com/2016/01/134067/
[2]http://www.jeuneafrique.com/230963/politique/achille-mbemb-faire-la-guerre-est-devenu-un-boulot-comme-un-autre/